Pour ce prêtre, «le discours du FN n'est pas conforme à l'Evangile»
- Le Parisien : Sandrine Bajos
- 11 avr. 2017
- 3 min de lecture
Notre van entame une nouvelle semaine de son périple à la rencontre des électeurs. Cette semaine, l'Anjou et la Vendée.
Le dimanche 23 avril au matin, jour de premier tour de la présidentielle, le père Pierre-Etienne Grislin va rentabiliser son forfait illimité en SMS. Ce jeune prêtre âgé de 38 ans enverra à quelque 150 électeurs de son quartier sensible de Monplaisir à Angers (Maine-et-Loire) un texto appelant au civisme. «Aujourd'hui, chacun donne son avis. Bon vote à tous. Ne pas voter, c'est laisser les autres choisir à ta place», écrira l'ecclésiastique ordonné il y a six ans.
A sa manière, cet aumônier de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), association destinée aux 13-30 ans issus des milieux populaires, entend lutter contre l'abstentionnisme qui atteint des records dans les cités. «Dans mon bureau de vote lors des dernières élections régionales en décembre 2015, la participation s'élevait à seulement 25%», s'inquiète ce «citoyen engagé» qui aime prendre part au dépouillement. Avec son pull au col camionneur et son pantalon en jean, ce fils d'artisans ayant grandi «à la campagne» n'affiche pas ostensiblement sa foi. Pas de col romain ni de croix apparente. L'habit ne fait pas le moine.
«Pierre-Etienne, c'est un citoyen comme les autres, on ne sait pas au premier coup d'oeil que c'est un prêtre, il est comme nous», encense Gilberto, 20 ans, catholique pratiquant actuellement en service civique à la JOC. Au pied des immeubles HLM, le père Pierre-Etienne observe une partie de la jeunesse perdue dans «la nébuleuse politique», «déconnectée» des programmes des candidats«. Afin d'y voir plus clair, la JOC angevine organise donc le 27 mars une soirée de décryptage des enjeux du scrutin destinée à tous les «copains» comme on dit dans le jargon maison.
«Le coeur à gauche»
A titre personnel, l'homme d'Eglise explique avoir «bien sûr le coeur à gauche». Mais sans dévoiler le nom qui se présentera sur son bulletin. «Je n'ai pas arrêté mon choix. Il faut que je regarde de près les idées de chacun», précise-t-il. Histoire de brouiller gentiment les pistes, il cite pele-mêle «Poutou, Macron, Hamon...» Pas question pour lui d'être le porte-voix d'un prétendant au poste suprême. «Le prêtre ne représente pas un parti. Ma seule mission, c'est de parler de l'Evangile», martèle-t-il.
Seule entorse à sa neutralité, un message adressé à l'extrême droite. «Le discours du Front national n'est pas conforme à l'Evangile. Le FN, ça divise les gens quand Dieu, lui, unifie», avance-t-il.
Emilie, 25 ans, force vive de la JOC du Maine-et-Loire est sur la même longueur d'onde. «Le FN est à l'opposé de mes valeurs et des valeurs de notre mouvement», lâche cette jeune femme à la recherche d'un emploi. «La diversité, c'est ce qui nous fera avancer», défend son camarade Samuel, employé, lui, dans les services administratifs de l'université d'Angers. Pour autant, la JOC, qui «n'est pas un mouvement politique» accueille «tout le monde», même les électeurs «sensibles» au projet de Marine Le Pen. «Le but, c'est de les faire réfléchir, de développer chez eux un sens critique», estime Samuel.
Au citoyen qui espère «trop» du président de la République au risque d'être déçu une fois que les urnes auront tranché, le père Pierre-Etienne rappelle que le chef d'Etat n'est pas le messie, pas l'homme providentiel. «Je lui dis : Ce n'est pas lui qui va venir te réveiller pour aller chercher du boulot», décrit-il. Et d'inviter la jeunesse à s'«engager pour une cause», à «transformer le monde». «L'espérance a deux très beaux enfants, disait Saint-Augustin : la colère et le courage. Il faut parfois savoir être en colère, par exemple contre l'injustice et avoir le courage d'y faire face», conseille-t-il.
Lui attend du futur président qu'il donne aux oubliés des quartiers «les moyens de prendre la parole». A ses yeux, «la valeur principale incarnée par un candidat doit être l'honnêteté». «C'est elle qui construit une relation. On sent tout de suite quand il y a du mensonge», constate-t-il. Il met également «la probité» sur un piedestal. «On ne construit pas le vivre-ensemble sur des promesses, on l'édifie à travers un dialogue et des actes», répète-t-il. Dans ces conditions, Dieu ferait-il un bon locataire de l'Elysée? «Il respecte tout le monde, ça serait un peu le cirque», sourit-il.
Posts récents
Voir toutJe nous souhaite la folie de croire Que le monde peut être transformé, C'est-à-dire plus juste, plus fraternel. Mais c’est en nous Que la...